Propriétaire de son logement ?

Pour aller plus loin…

Les coopératives d'habitants

Les coopératives d’habitants ont pour objet de fournir à leurs associés personnes physiques la jouissance d’un logement à titre de résidence principale et de contribuer au développement de leur vie collective dans les conditions prévues au présent article. Pour cela elles peuvent :

1° Acquérir un ou plusieurs terrains ou des droits réels permettant de construire ;

2° Construire ou acquérir des immeubles à usage principal d’habitation destinés à leurs associés ;

3° Attribuer la jouissance de ces logements à leurs associés personnes physiques au moyen du contrat coopératif mentionné à l’article L. 201-8 ;

4° Gérer, entretenir et améliorer les immeubles mentionnés au 2° du présent article ;

5° Entretenir et animer des lieux de vie collective ;

6° Offrir des services à leurs associés et, à titre accessoire, à des tiers non associés.

Article L201 du code de la construction et de l’habitation

Sortir du système spéculatif

La coopérative est une société sans but lucratif. Elle propose à ses coopérateurs et coopératrices des logements dont les loyers reflètent le coût réel d’exploitation de l’immeuble. L’implication des coopérateurs et des coopératrices, les efforts de mutualisation de moyens et d’espaces, et le souhait d’éviter les intermédiaires permettent d’offrir des loyers inférieurs aux prix du marché. Les coopérateurs acquièrent des parts sociales à leur entrée dans la coopérative. Ces parts correspondent souvent à 20 % de la valeur du logement qu’ils/elles vont occuper et du prorata d’espaces communs. A leur départ, ils revendront ces parts sociales ou se les feront rembourser, indexées sur l’indice des loyers. Il en sera de même en cas de succession, les ayants droits pourront demander soit à intégrer le logement concerné, soit à céder et se faire rembourser les parts sociales correspondantes. Dans ce cas, les coopérateurs et les coopératrices se réservent le droit d’agrément. Ainsi, ce ne sont pas les logements qui sont revendus mais bien des parts sociales dont la valeur est déconnectée de la valeur du bâti. Ce mécanisme garantit ainsi la sortie du système spéculatif d’un nombre croissant de logements.

Habiter en commun

La spéculation immobilière et l’engorgement du parc de logements sociaux provoquent de graves difficultés d’accès au logement. S’appuyant sur des initiatives de futures habitant.e.s, les coopératives d’habitants, entre la propriété individuelle et la location, répondent en partie à ces enjeux. Ouvertes à toutes et à tous, elle permettent aux habitant.e.s de se réapproprier, démocratiquement, les décisions et les responsabilités de l’acte de construire ou de rénover, d’adapter et d’entretenir leur lieu de vie ainsi que de lutter contre la spéculation immobilière en maintenant le prix du logement à sa valeur nominale.

Une coopérative d’habitants est une société qui regroupe des personnes qui veulent créer, gérer et améliorer ensemble leur habitat. Leur souhait est de rendre accessible à toutes et à tous des logements. La redevance (loyer+épargne+charges) sera adaptée aux ressources financières de chacun·e des coopérateurs et coopératrices. Les enjeux environnementaux sont aussi au centre de leurs préoccupations : choix des matériaux et des modes de construction, économies d’énergie, mise en commun d’équipements, etc. La coopérative d’habitants offre une troisième voix entre la propriété et la location. Comme dans toute coopérative, les membres ont une double qualité :

  • D’une part, en tant qu’associé·e·s, les coopérateurs et coopératrices sont impliqué·e·s directement dans la gestion de la structure dont ils/elles détiennent des parts sociales.
    En effet, la coopérative est issue d’un travail collectif. Ce travail prend en compte, dans la mesure du possible, les besoins de chacun·e. Les coopérateurs et coopératrices présent·e·s à l’origine du projet définissent ensemble les caractéristiques de leurs logements et des espaces communs. Ils et elles établissent aussi le fonctionnement interne en établissant les statuts de la coopérative.
  • D’autre part, les membres d’une coopérative d’habitant·e·s sont aussi les bénéficiaires des services offerts par la coopérative. Ils/elles sont donc «locataires» des logements dont la coopérative est propriétaire et paient chaque mois une redevance, dont une fraction peut leur permettre d’acquérir de nouvelles parts sociales.

En tant que propriétaire, la coopérative finance, par l’emprunt, le projet de construction / réhabilitation des logements et des espaces communs. En échange, elle perçoit les redevances mensuelles des coopérateurs et coopératrices lui permettant de s’acquitter de ses charges. Elle assure une gestion durable de son bâti par une provision pour grosses réparations et gros entretien. De plus, une provision pour vacances et impayés de loyer permet de sécuriser le projet. La coopérative d’habitants a pour principe la participation de chacun·e au même titre dans la prise des décisions. Cette participation est indépendante du nombre de parts détenus au sein de la société. Son principe est «une personne= une voix».

Les coopératives d’habitation sous forme de HLM existaient en France jusque dans les années 70 avant d’être interdites. Le statut a été recréé dans la loi Alur de 2014 sous le nom de coopérative d’habitants, en parallèle des organismes de foncier solidaire où le foncier est loué mais les résidents possèdent des parts du bâtiment.

Une fédération des coopératives d’habitants a été constituée en 2006 sous le nom d’Habicoop. Elle s’inscrit dans le mouvement de l’habitat participatif, dont le renouveau date de 2005, mais en y ajoutant trois principes :

  • Démocratie : une personne = une voix, indépendamment de l’argent apporté
  • Propriété collective : les habitants sont à la fois détenteurs de parts de la société propriétaire du bâtiment, et locataires des logements
  • Déconnexion du marché : Société sans but lucratif, la coopérative propose des loyers qui reflètent le coût réel d’exploitation de l’immeuble.

Tous propriétaires ?

Alors qu’il manque près d’un million de logements en France, comment un programme immobilier peut-il être autant en décalage avec les besoins des millions de personnes touchées par la crise du logement ? Voilà où nous mène le mirage du « tous propriétaires ».

C’est en 2007 que Nicolas Sarkozy réactive ce vieux marqueur idéologique de la droite, digne du meilleur syllogisme électoral. Puisque les Français sont très mal logés et redoutent légitimement des lendemains difficiles, proposons-leur de tous devenir propriétaires, quel qu’en soit le prix ! Le candidat Sarkozy proposait même d’instituer des subprimes à la française, riche idée !
Le « tous propriétaires » appartient à une logique ultra libérale et, à l’exemple du « travailler plus pour gagner plus », renverse la charge du logement sur l’individu uniquement – à lui de s’endetter, de travailler plus, de se chauffer moins pour faire des économies. Face à l’explosion des prix immobiliers, les ménages qui peuvent encore suivre le font au prix d’importants sacrifices et d’un surendettement généralisé.

Mythe libéral, la propriété pour tous est pourtant un non-sens économique, bien peu en phase avec les besoins de notre époque. Pourquoi s’endetter à vie pour un logement que l’on est souvent amené à quitter pour répondre aux exigences de mobilité des carrières d’aujourd’hui ?
Plus, les bulles immobilières absorbent massivement l’épargne des ménages dans des investissements faiblement productifs et peu innovants, la détournant pour longtemps d’autres investissements plus judicieux sur le plan économique. La rente immobilière constitue en effet un poids mort pour l’économie.
Pire, la propriété comme objet central de l’action publique est devenue le leurre d’un système inégalitaire, socialement injuste. Déjà en 2006, avant la crise, les 10% les plus riches possédaient plus de 50% du parc immobilier, quand les 50% les plus pauvres n’en détenaient pas 10%.
Fondée sur le mythe de la pierre comme immuable investissement, au fondement d’une bulle spéculative en voie d’éclatement, l’accession à la propriété risque au bout du compte de se transformer en piège pour de nombreux propriétaires en difficultés. Incapables de payer des charges exponentielles et de revendre leur bien pour profiter d’un illusoire parcours résidentiel, certains se retrouvent comme « enfermés » dans leur propre logement. En témoigne la multiplication des copropriétés dégradées, qui représente aujourd’hui une véritable bombe pour leurs millions d’habitants.

Comment le gouvernement entretient-il un tel cycle infernal ? A coups de dispositifs de défiscalisation plus coûteux les uns que les autres, ces logements « Robien » ou « Scellier » qui encouragent la spéculation immobilière en permettant à ceux qui peuvent déjà acheter de le faire à moindre coût.
En abandonnant l’obsession idéologique de l’accession à la propriété, et en reconnaissant l’utilité sociale du parc locatif, les écologistes proposent de réorienter nos politiques vers le « bien loger » et la qualité de l’habitat pour tous. Réaffirmons le logement comme un droit fondamental et faisons-en l’objet d’un engagement prioritaire de la puissance publique. Nous ne pourrons pas être tous propriétaires, soyons tous habitants !
Pour cela les écologistes ont deux priorités : faire baisser les prix et protéger les locataires. Les solutions existent, il faut simplement se donner les moyens de les mettre en œuvre, et bien sûr commencer à construire massivement. Mais nous devons surtout changer de logique.
Les Allemands l’ont bien compris. Ils ne sont guère plus de 40% à posséder leur logement, contre 58% en France, et les locataires jouissent d’un statut juridique très protecteur et de loyers solidement encadrés. Résultat : le logement y est deux fois moins cher en moyenne qu’en France. Et si être locataire n’était pas une malédiction mais la réponse à la crise du logement ?
L’écologie propose ainsi le renversement du paradigme individualiste, qui enferme le logement dans une vision purement commerciale et financière, pour lui redonner toute sa dimension humaine et sociale. Réaffirmant l’accès à un habitat de qualité comme une condition incontournable à l’épanouissement personnel et collectif, les écologistes entendent faire du logement un objectif universel et prioritaire de l’action publique et du vivre ensemble.

Par Julien Bayou ; Emmanuelle Cosse; Cécile Duflot et Augustin Legrand.

Initié à l’automne 2005, le Village Vertical s’est concrétisé en juin 2013 avec l’emménagement de 14 ménages, coopérateurs de cette SAS coopérative à capital variable, créée en décembre 2010. Quatorze ménages d’horizons divers, qui travaillent ensemble à l’avancée du projet. Tous, sauf un, sont sous les plafonds du logement social. Les villageois verticaux disposent chacun d’un logement dans l’immeuble écologique qu’ils ont conçu, mutualisent certains espaces et moyens, pour créer de véritables solidarités de voisinage, dans un projet à taille humaine alliant convivialité, responsabilité, économies, entraide, écologie et démocratie. Nous sommes collectivement l’unique propriétaire de notre immeuble, et chaque ménage loue son logement, dans le cadre d’une gestion démocratique interdisant toute spéculation et tout profit.

 

Le texte de ma conférence

Faut-il être propriétaire de son logement ?

« Bon finalement aujourd’hui je suis propriétaire de mon logement, mais c’est pas faute d’avoir essayé de faire autrement.

C’était en 2009, avec une dizaine de familles de Pamiers, (la petite ville où j’habite en Ariège au pied des Pyrénées) on s’était lancé dans un projet de coopérative d’habitants, c’est à dire un immeuble dans lequel on peut être individuellement locataire de son appartement tout en étant collectivement propriétaires de l’immeuble.

Pourquoi cette idée saugrenue ? Se loger aujourd’hui est devenu très difficile et surtout hors de prix.

Etre locataire c’est payer toute sa vie un loyer à un propriétaire à fonds perdus, avec le risque d’être mis dehors un jour ou de voir son loyer augmenter au delà de ses moyens.

Etre propriétaire individuel aujourd’hui, c’est s’endetter pour 30 ans et verser une rente à la banque pour une valeur immobilière dont personne ne peut dire ce qu’elle sera d’ici là.

Dans un habitat coopératif les habitants sont « propriétaires » de parts sociales de la coopérative en fonction de leurs moyens et utilisateurs du logement dont ils ont besoin et pour lequel il payent une redevance mensuelle.

Ce « loyer » coopératif va de fait « dans leur poche » en venant grossir la valeur de leurs parts sociales au fur et à mesure du remboursement de l’emprunt contracté par la coopérative.

Mais le véritable intérêt d’une coopérative d’habitants, c’est la possibilité d’avoir un tas d’espaces partagés et gérés en commun (comme un commun) : terrasse, jardin, atelier bricolage, salle de jeu pour les enfants, chambres d’amis…

Notre projet n’a pas abouti (mais vous raconter pourquoi nécessiterai d’écrire une autre conférence), mais de nombreux projets de coopératives d’habitants voient le jour aujourd’hui et apprennent au quotidien à vivre une autre relation à la propriété immobilière.«